Éloge funèbre pour Sour Phil Tiernan. 25 juillet 2014

Mary Philomene Tiernan, que nous avons connue comme sœur Phil ou simplement Phil, est entrée dans la Société du Sacré-Cœur en 1957.  Mise à part sa famille, la Société est devenue la vie de Phil.  En 2004, dans une lettre à la Société pour la fête du Sacré-Cœur, la Supérieure-Générale a écrit, « Comme Religieuses du Sacré-Cœur, dont la mission est de découvrir et de révéler l’amour de Son cœur, l’amour a façonné notre identité; il est notre désir et notre joie. »  L’identité de Phil a bien été façonnée par cet amour, qu’elle a partagé avec les autres avec tant d’abondance et fidélité.
 
Une de ses anciennes étudiantes, de l’époque où elle était Directrice des Internes à Rose Bay dans les années 1970, a écrit sur Twitter que Phil l’avait ‘sculptée’.  Cela m’a fait penser à l’histoire du garçon qui a vu un sculpteur qui taillait un bloc de marbre.  Beaucoup plus tard, quand il repassait devant le sculpteur, il a vu, au lieu du bloc, un lion, et il a demandé au sculpteur, « Comment avez-vous su qu’il y avait un lion dans le marbre? »  Le travail d’éducatrice de Phil était de croire qu’il y avait un lion, si je puis dire, dans chaque personne et d’aider chacune à se sculpter pour découvrir sa beauté intérieure.  Il en allait de même avec ses sœurs religieuses.  Une de ces dernières a écrit que Phil était une personne très amicale, affectueuse et encourageante, qui avait la capacité de permettre à tous ses compagnons de se sentir valorisés.  Elle avait une sensibilité énorme, qui l’attirait vers ceux qui avaient besoin d’elle.  Une autre RSCJ plus jeune se souvient du moment où Phil, Supérieure de la Province, a frappé sur la porte de sa chambre et lui a dit, « Je voudrais que tu saches que je suis toujours à ta  disposition.  Donc, je viendrai te voir souvent pour que nous nous connaissions vraiment et apprenions à avoir confiance l’une en l’autre. »  « Phil a changé ma vie », a dit cette religieuse, « et mon engagement comme RSCJ.  Que ce fût exprès ou sans le savoir, elle m’a fait croire que j’étais une personne de beauté au moment même où je doutais de ma vocation.  Je n’ai plus jamais vacillé»
 
Cette sensibilité gracieuse est restée avec Phil le long de sa vie.  Une de nos sœurs anglaises, qui a fait la connaissance de Phil lors de  sa dernière visite à Londres, a écrit de l’excellente impression que lui avait Phil pendant son séjour chez les sœurs âgées avant d’assister à la Conférence sur Janet Stuart.  Dans les mots de cette religieuse, Phil n’était pas seulement gentille et courtoise, elle a montré aussi une considération et une sensibilité exceptionnelles.  « Elle a donné de soi, à sa façon calme et digne, à chacune d’entre nous.  J’ai été frappée surtout, » a-t-elle dit, « qu’elle ait pris le temps et se soit donnée la peine de saluer personnellement chacune à la Maison Duchesne. »  D’innombrables hommages ont été rendus à cette religieuse dont l’identité a été façonnée par l’amour, et ils soulignent tous ce même don de soi d’une personne qui savait toujours nous éclairer, même dans nos plus mauvais jours.
 
Phil aimait la Société du Sacré-Cœur et c’était son désir et sa joie de la servir de toutes les manières possibles.  Elle a occupé plusieurs postes de direction dans la province après sa profession finale à Rome en 1965.  Elle a été nommée Directrice des Novices en 1984; elle est devenue membre du Conseil provincial et puis Supérieure de la province Australie-Nouvelle Zélande en 1993.  En tant que Supérieure de Province, Phil a encouragé deux des sœurs de Braybrook dans l’ouest de Melbourne à ouvrir une partie de la communauté pour soigner des mères et des enfants vietnamiens.  Et quand l’Évêque de Rockhampton a demandé des sœurs qui pourraient aller être une présence à Blackall en Queensland, deux de nos sœurs ont répondu à la demande de Phil.  Elle les a accompagnées pour s’assurer qu’elles se soient bien installées et aient ce qu’il leur fallait.  Puis, en 2004, après avoir occupé un autre poste, elle est devenue Directrice du Réseau d’Écoles ANZ, poste qui l’a mise en contact permanent avec les Directeurs de nos quatre écoles.
 
Bien que pas exactement dans un poste de direction, Phil a été pendant six ans une des organisatrices du Programme Madeleine Sophie où elle a conquis l’amour et le respect des nombreuses femmes qui ont participé à ce programme.  Une de ces dernières a collaboré après avec Phil en tant qu’organisatrice et sentait que le fait de l’avoir connue lui avait permis d’arriver plus haut et avec plus de force.  Être reconnue dans ces divers rôles était très important pour Phil et cela la rassurait.  Un autre rôle qui lui a fourni l’occasion de réaliser son don de sculptrice a été celui de Directrice des Internes à Rose Bay.  Son expérience en internat lui a permis de jouer un rôle très apprécié dans la vie des internes à Kincoppal-Rose Bay, quand elle y est retournée il y a quelques ans pour faire partie du personnel à KRB.
 
Mais Phil a utilisé ses dons dans un domaine beaucoup plus vaste que l’école, aussi chère que celle-ci ait été à son cœur.  Pendant un certain temps elle a été membre d’un comité de l’Archidiocèse de Sydney, où l’Archevêque actuel de Hobart a découvert combien elle pouvait être ferme.  Et le Cardinal Pell, en envoyant ses condoléances par l’Évêque Comensoli, déclara : « On se souviendra de Sœur Phil comme d’un esprit clair et d’une énorme inspiration pour de nombreuses personnes, non seulement dans sa communauté scolaire mais aussi à travers l’Archidiocèse de Sydney.  Elle sera très regrettée. »
 
Après l’achèvement de ses six ans en tant que Supérieure de la Province, et un congé sabbatique, elle est devenue Chancelier du Diocèse de Broken Bay en 2000.  Elle a été sensible à l’occasion que lui fournissait ce rôle de travailler pour l’Église d’une manière plus spécialisée.  L’Évêque comptait sur elle et, même quand elle a quitté le poste de Chancelier, il lui a confié la direction des Femmes Ecclésiales qu’il avait établi dans le Diocèse et il l’en a nommée Vicaire.  Elle est restée dans ce rôle en même temps que ses autres ministères.
 
Elle était impliquée dans le programme de spiritualité à Kerever Park et y était directrice de retraites et de conscience.  Elle est restée dans ce travail de retraites et de direction de conscience.  Elle aidait les gens de la manière sensible et compatissante qui était la sienne, et savait attirer les gens vers elle, surtout quand ils avaient besoin d’être guidés par sa main.  Son cœur affectueux l’attirait vers ceux qui n’allaient pas vers elle.  Le jeudi soir elle allait à Cana pour préparer un repas pour les habitants du lieu.  Sa communauté - mais peu d’entre nous le savions - aurait été au courant de cet engagement.  Phil vécu sa vie avec plénitude même si la souffrance n’y était pas absente. 
 
Phil était une femme de cœur et pour de telles femmes les souffrances arrivent par le cœur.  Comme l’a noté une de ses amies religieuses, elle a souffert profondément avec sa perte de travail, ses douleurs familiales et toutes les injustices dont elle était témoin.  Elle a souffert aussi parce qu’elle avait l’impression que ses dons n’étaient pas toujours reconnus ni utilisés.  Elle a donné abondamment aux autres, mais les autres lui ont aussi beaucoup donné en la rassurant, lui remontant le moral et lui permettant de donner le meilleur d’elle-même.
 
Phil était bien préparée pour ses divers ministères.  Elle a terminé ses études universitaires en éducation à l’Université Macquarie en 1976 et ensuite, quand elle était à Melbourne, elle a suivi un cours en éducation pastorale clinique à l’Hôpital Mercy.  En 1981 et 1982, étudiante à l’Université Loyola de Chicago, elle a terminé une maîtrise en études pastorales.  Elle a passé six mois de sa dernière année aux États-Unis dans le noviciat de Boston tout en suivant un cours en spiritualité à Boston College.  Elle était bien préparée au poste de Directrice des Novices, lorsqu’elle y fut nommée en 1984.  Elle était Directrice Adjointe du Collège Duchesne de l’Université de Queensland en 1991, mais elle est retournée à Melbourne pour continuer son travail dans le noviciat jusqu’à devenir Supérieure provinciale en 1993.  Phil a continué à suivre des cours de courte durée pour revaloriser ses compétences.
 
C’est avec la même attention qu’elle a organisé son congé sabbatique pendant le deuxième trimestre de cette année.  Elle est allée d’abord au Collège All Hallows de Dublin pour suivre un cours de plusieurs semaines en spiritualité/théologie.  La spiritualité celtique qui en a fait partie a vraiment plu à Phil.  Elle savait profiter des occasions qui lui étaient offertes et sa participation à Londres aux célébrations du centenaire de la mort de Janet Erskine Stuart l’a ouverte non seulement à l’étude de la spiritualité et de la philosophie éducationnelle de Janet mais lui a aussi permis de passer du temps avec des RSCJ venues de divers pays du monde.  Phil vivait par ses relations et se donnait à elles.  Tous ceux qui l’ont connue pendant ces jours-là ont dit qu’elle était très heureuse.  C’était tout une grande préparation en vue de sa retraite à Joigny, lieu de naissance de Madeleine Sophie Barat, devenu maintenant centre de spiritualité pour la Société.  Mise à part la retraite, elle avait aussi prévu de fréquenter un atelier de quatre jours consacré aux Constitutions.  Sa retraite a été dirigée par une RSCJ irlandaise, dont Phil a fait la connaissance à Rome en 1993.  Pendant sa retraite, sa Directrice lui a suggéré de réfléchir à sa mort à partir d’un poème, « Qu’est-ce qui sera donc important», dont voici quelques extraits, « [que l’on soit] Prêt ou non, un jour tout finira.  Il n’y aura plus des levers de soleil, ni de minutes, ni heures, ni jour.  L’important ce ne sera pas vos souvenirs, mais les souvenirs qui vivent dans ceux qui vous ont aimé.  L’important sera qui se souviendra de vous, pour combien de temps et pour quoi. »  Phil a bien prié sur ce poème qu’elle a trouvé merveilleux et attendait avec impatience le partager avec ses amis en Australie. 
 
Elle est partie de Joigny à Paris pour prendre le train pour Amsterdam.  Mais, à Paris, elle voulait d’abord visiter l’église où repose Sainte Madeleine Sophie.  Elle a pris rendez-vous avec une amie pour se retrouver à l’église et puis déjeuner ensemble.  Son amie nous a raconté les aventures  que Phil a vécue en essayant d’arriver à l’église - à l’heure (“on time” comme dit la chanson!).  Le taxi l’a conduite au mauvais endroit, mais heureusement elle a rencontré une jeune touriste, Juliette, qu’elle a surnommée son deuxième ange; le premier l’a aidée à monter dans le train avec ses valises lourdes.  Juliette l’a accompagnée à pied jusqu’à l’église, où elle a rencontré son amie et son troisième ange.  Après avoir prié un certain temps devant le tombeau de Madeleine Sophie, elle a parlé avec une ancienne élève de nos écoles de Tokyo, Rose Bay et 91st Street (rue 91e), New York.  Le monde est petit, mais il a touché l’internationalité de la Société.  Phil a allumé un cierge à Sophie et elles sont parties pour prendre le train qui l’emmènerait à Amsterdam.  Elle a commencé son voyage là-bas avec une cérémonie en l’honneur de son oncle, dont l’avion a été abattu pendant la Seconde Guerre Mondiale et qui a été enterré aux Pays-Bas.  Ce lien familial était très important pour Phil, comme l’était toute sa famille.  Son amour pour chacun d’entre eux était évident.
 
Les souvenirs de ceux qui aimaient Phil seront d’une femme qui aimait.  Elle a passé les deux mois avant sa mort tragique à la préparer de façon involontaire.  Une ancienne élève de Stuartholme, où Phil est allée à l’école, s’était mariée et avait vécu et travaillé en Angleterre pendant de nombreuses années.  Un groupe d’anciennes élèves de Stuartholme assistait aux événements en l’honneur de Janet Stuart et a inclus une visite à Joigny.  Notre ancienne élève les a accompagnées et s’est réunie avec Phil à Joigny.  Voulant découvrir ce que Phil était en train de faire et où elle vivait, elle lui a demandé, « Où es-tu? »  « Au ciel », a répondu Phil.  Il semblait que le Dieu auquel Phil avait consacré son amour et sa vie voulait faire en sorte qu’elle fût au mieux de sa forme pour entrer dans sa nouvelle vie.  Phil, sculptrice, avait ciselé son propre bloc de marbre et la retraite et les expériences de son congé sabbatique ont réalisé la beauté du lion qui existait en elle.
 
Il nous semble que les mots de Janet Stuart pourraient nous aider à accepter son départ soudain et tragique.
 
Je dois apprendre à vivre par la foi.
Comme le tisserand,
Ne voyant jamais le plan de ma vie,
Confiant en Dieu et travaillant à ce qui semble être le mauvais côté 
Mais travaillant pour une réalité.
Non pas pour ma raison ni l’imagination de mes propres caprices,
Mais pour une réalité dont Dieu a non seulement conçu l’ensemble,
Mais a aussi compté chaque point,
Et attaché tout changement de fil
Du début jusqu’à la fin.
 
                             Mary Shanahan rscj