Le Mystère du Ciboire

  • Sheila Hammond rscj, USC Provincial, recevant le ciboire de Margot Bremer rscj (VEN) à la clôture du Forum de Spiritualité Philippine Duchesne 2017
La province USC organise régulièrement un Forum de Spiritualité où se réunissent RSCJ, anciens élèves, associés, enseignants et amis de la Famille du Sacré-Cœur. Plus de trois cent personnes ont participé à l’événement 2017, particulièrement important à l’approche du bicentenaire de l’arrivée de Philippine et de ses compagnes en 1818. Au terme de la célébration eucharistique finale du 15 juillet, une surprise attendait les personnes présentes. Margot Bremer, RSCJ du Venezuela, au nom de Fernanda Vacas, RSCJ, provinciale du Venezuela, a présenté à Sheila Hammond, RSCJ, provinciale, et à l’ensemble de la province USC, un précieux trésor : un ciboire qui, selon la tradition orale, avait été donné par Sophie à Philippine en 1818 pour sa mission dans le Nouveau Monde. 

C’est avec une grande joie que Sheila l’a reçu. « Ce présent… est un véritable trésor », dit-elle. « C’est un honneur de recevoir ce ciboire et de le tenir dans mes mains, en sachant que Sainte Madeleine Sophie et Sainte Philippine l’avaient elles-mêmes tenu au début du XIXe siècle ». Lors du dîner qui a suivi, elles ont téléphoné à Fernanda, applaudi chaleureusement et chanté « Je remercie mon Dieu pour toi ». Du Venezuela, Fernanda a pu tout écouter au téléphone.

Dans une lettre remise à Sœur Hammond par Sœur Bremer, Sœur Vacas a écrit qu’il était temps que le ciboire retourne dans « la province où Philippine a vécu… pour célébrer la Femme qui prie toujours, pour célébrer l’amitié, pour célébrer les frontières et pour célébrer l’internationalité ». 

Mais l’itinéraire du ciboire de France au Venezuela reste un mystère. Si Sophie a effectivement offert le ciboire directement à Philippine pour la nouvelle fondation, alors il a quitté Paris avec les cinq missionnaires le 8 février 1818, puis a navigué vers l’Amérique à bord de la Rebecca le 19 mars. Avant d’arriver à la Nouvelle-Orléans le 29 mai, le navire a été accosté par des pirates près de Cuba mais, comme l’a écrit Philippine, une fois qu’ils ont su que la Rebecca était un navire américain, ils l’ont laissé partir – pour des raisons inconnues, ils n’ont donc pas touché à son contenu. S’ils avaient pillé le navire, ils auraient certainement pris le ciboire.  

Il aurait ensuite été porté à Saint-Charles en 1818 et à Florissant l’année suivante, lorsque la communauté a remonté la rivière Missouri. Il est peu probable que Philippine l’ait emporté avec elle à la fondation suivante de Saint-Louis puisqu’elle a écrit, peu de temps après son arrivée, qu’il n’y avait pas de ciboire pour garder le Saint-Sacrement. Cela signifie donc qu’il était resté à Florissant. Philippine est retournée à Florissant, en tant que supérieure, de 1834 à 1840. Après quoi, que ce soit à Saint-Louis pendant un an, puis à Sugar Creek avec les Potawatomi pendant une autre année, ou de retour à Saint-Charles pour ses dix dernières années, il y a très peu de chances qu’elle ait emporté « son » ciboire avec elle. Nous supposons donc qu’il est resté à Florissant et qu’il a probablement été utilisé régulièrement jusqu’à la fermeture de la maison en 1846. 

Il est possible qu’à l’époque le ciboire ait été porté à l’une des maisons de New York, où la Société était établie depuis 1841, car après la mort de Sainte Philippine en 1852, il semblerait qu’il ait refait surface en 1858 à New York, d’où Mère Mary Ann Aloysia Hardey avait fondé la province de Cuba. Nous ne savons pas exactement comment le ciboire a été utilisé pour la première fois à Cuba, mais il y est resté pendant plus de cent ans. 

Après la révolution cubaine en 1959, les RSCJ sont restées à Cuba pendant deux années supplémentaires, avant que les écoles ne ferment. Les dernières RSCJ ont quitté Cuba en mai 1961. La plupart des articles de sacristie ont été donné aux paroisses locales, mais le ciboire a été conservé à la mémoire du don de Sophie à Philippine. Plusieurs RSCJ de Cuba se sont rendues à Porto Rico, emportant le ciboire avec elles. L’été de la même année, en juillet et en août, la fondation du Venezuela voyait le jour. Le ciboire a été porté au Venezuela et utilisé pour la liturgie au Colegio de El Hatillo, à Caracas. Les RSCJ ont continué à rappeler l’histoire de son origine. 

Lorsque la Société a décidé de vendre le Colegio de El Hatillo en 1974 et de traverser de nouvelles frontières vers les barrios les plus pauvres et les plus marginalisés du pays, Odette Mattos, provinciale du Venezuela à l’époque, a dit qu’elle garderait le ciboire, don de Sophie à Philippine. Il a été porté à la communauté de Coche à Caracas, qui avait été fondée auparavant. Il y est resté et la tradition orale a été préservée. C’est là qu’est née l’idée de lui donner un nouveau sens et de le renvoyer au foyer de Philippine, en ce moment d’ouverture aux nouvelles frontières. 

Aucun compte rendu écrit des fondations de Cuba et du Venezuela ne mentionne le ciboire. Sa véritable histoire reste un mystère dans la mémoire collective des communautés où il a été conservé. Il se trouve désormais dans son nouveau foyer, : la chapelle des bureaux provinciaux de la province USC, à Saint-Louis.

Carolyn Osiek rscj
Archiviste