A l'exception, peut-être, de Marthe, la sœur de Marie qui a "choisi la meilleure part", j'ai le sentiment qu'aucun personnage de l'Ecriture Sainte n'a été plus méconnu que l'Apôtre Thomas.
"Thomas l'Incrédule", c'est ainsi que nous l'avons appelé, lui et ceux qui forment sa descendance spirituelle parce que Thomas adhérait à l'adage " voir, c'est croire" et parce qu'il cherchait des signes tangibles pour consolider sa foi.
J'aimerais remettre en question cette représentation de Thomas!
En considérant l'histoire de Thomas après la résurrection du Seigneur avez-vous réalisé que jamais Thomas ne doute du Seigneur ressuscité? Ce que Thomas met en doute, c'est la parole et le témoignage de la communauté du Seigneur. Quand le Seigneur Ressuscité se présente une semaine plus tard, Thomas est rempli de foi. Il confesse "Mon Seigneur et mon Dieu."
Dans ce récit de Jean, ce n'est pas le Christ qui est à l'origine de l'incrédulité de Thomas, mais les disciples du Christ réunis là dans la Chambre Haute. Tout simplement, Thomas n'estimait pas que ses amis formaient (étaient) une communauté crédible.
Revenons-en à ce que nous savons de Thomas. Vraiment si peu par les écrivains synoptiques, sauf que Thomas a été choisi par Jésus pour être du nombre des Douze.
L'évangile de Jean est le seul qui nous présente plusieurs instantanés de Thomas. L'histoire de Thomas après la résurrection devient plus compréhensible à la lumière des autres faits que Jean nous a conservés.
Thomas apparaît pour la première fois au chapitre XI de Saint Jean. Lazare est mort. Jésus a été appelé et bien qu'il tarde à retourner en territoire de Juda, il est clair pour ses disciples que Jésus a l'intention de se rendre à Béthanie, sur la tombe où est enterré Lazare. Pour certains de ses disciples, voyager en ces circonstances est vraiment dangereux : les dirigeants juifs cherchaient en ce moment une occasion de mettre Jésus à mort. C'est Thomas qui réalise que Jésus a pris la décision d'aller vers ses amis. C'est Thomas qui dit aux autres "Allons et mourons avec lui". Thomas l'intrépide comme nous pourrions l'appeler; Thomas le fidèle, Thomas le cœur aimant. Thomas a décidé de rester auprès de Jésus, même au risque de sa vie. Il enjoint les autres à faire demi-tour vers Jérusalem, eux aussi.
Quelques chapitres plus loin, Jean rappelle la prière de Jésus à la dernière Cène. Jésus prépare ses disciples à la Pâque, son passage par la souffrance vers la gloire – mais seulement de manière voilée. Le langage de Jésus est fait d'énigmes. On peut pour ainsi dire voir Thomas, sourcils froncés, essayant de suivre les implications de tout ce que dit Jésus pour s'exclamer finalement : "Nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous en connaître le chemin?" Thomas n'était pas seul, assurément les autres connaissaient la même perplexité, mais peut-être craignaient-ils de reconnaître leur ignorance, peut-être aussi par peur d'attirer l'attention sur eux. Quelques minutes auparavant, Pierre avait proclamé sa fidélité jusqu'à la mort – et Pierre avait été coupé dans son élan. Qui oserait prendre la parole? Mais Thomas n'est pas réduit au silence. Il ne comprenait pas et voulait comprendre. Il ne peut suivre Jésus sans savoir ni où ni comment. Aussi simple que cela. Nous pourrions l'appeler Thomas franc-parler, ou Thomas simple, voire Thomas direct et réaliste. Ou même, Thomas adepte de la Voie.
Ces deux passages nous servent de toile de fond pour le récit de l'apparition du Ressuscité au milieu des disciples. Le Seigneur vient en l'absence de Thomas. Les disciples sont réunis, emplis de peur, derrière des portes verrouillées. Jésus apparaît et les remplit de joie. Il leur confie une mission et leur donne son propre Esprit pour continuer son œuvre de salut. Jésus révèle sa présence et sa puissance à ses amis intimes et leur offre le don de l'esprit pour la cause du royaume. C'est du moins ce que nous dit l'Ecriture.
Mais Thomas n'est pas là. Il s'est éclipsé un moment. Peut-être fait-il une course pour le ménage? Peut-être qu'aucun des autres n'a le courage de s'aventurer dehors, Thomas, lui, ose. Il va. Il est soit intrépide, soit tout simplement téméraire, peut-être les deux, – peut-être tel que nous devrions être nous-mêmes, pour aller au-delà de nous-mêmes.
Thomas revient et ils lui racontent qu'ils ont vu le Seigneur – mais pour Thomas, quelque chose sonne faux. S'ils ont vu le Seigneur, pourquoi sont-ils encore enfermés fermement
dans ce lieu? S'ils sont pleins de joie, pourquoi Thomas ne peut-il lire cette joie sur leurs visages? S'ils ont reçu de l'Esprit de Dieu la force de "compléter l'œuvre du Christ sur la terre", comme nous le disons dans la Prière Eucharistique, qu'attendent-ils? Le retour de Thomas? Certainement pas, sinon ils auraient retenu leur souffle dans le désir que Thomas voie la transformation dans leurs yeux.
Thomas leur dit donc, en d’autres termes : « Je ne vous trouve pas crédibles ». Thomas, – simple, fidèle, aimant, franc, les pieds sur terre, direct – lui qui ne comprenait pas mais le voulait, qui aspirait à suivre Jésus mais avait besoin de connaître le chemin – Thomas ne mettait pas en doute le Seigneur; il mettait en doute la parole de ses amis! Thomas trouvait vraiment improbable que le Seigneur soit Ressuscité, alors qu’il était entouré par un groupe de témoins, qu’il n’estimait pas crédibles.
Une expression ancienne de l'Eglise d'Orient dit
Si tu veux savoir si Jésus est vraiment Ressuscité,
Regarde autour de toi les visages de la Veillée Pascale.
Thomas ne pouvait pas lire la présence du Ressuscité sur le visage de ses amis…
Que pourrait-il lire sur nos visages?
Que lisons-nous mutuellement sur nos visages?
Cette question s'impose quand on s'interroge
sur le succès de la nouvelle évangélisation.
Nous devons présenter une communauté crédible,
une communauté qui a vu le Seigneur et en a été transformée.
Kathleen Hughes rscj
Province |États-Unis et Canada
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